4 juillet 2023 | Tribunes

Un manifeste pour l’écologie politique

La santé écologique de notre pays tient avec raison une place prédominante dans les préoccupations des Français – et dans les médias. Le dérèglement climatique prévu par le GIEC se confirme, et l’évolution de l’état de la terre est devenue un risque majeur, non seulement pour la France, mais pour l’humanité. Nos compatriotes l’ont bien compris et sont prêts dans leur immense majorité à agir pour réduire ce risque écologique et améliorer notre environnement.

Malheureusement les questions écologiques ont été confisquées dans notre pays – comme dans de nombreux autres – par des « partis écologistes » qui pour la plupart en dénaturent le message ; au lieu d’être l’affaire de tous, l’écologie devient celle d’un parti et d’une idéologie. De ce fait, nombre de citoyens qui souhaitent agir concrètement pour l’environnement en France en sont empêchés parce qu’ils ne se reconnaissent pas dans ces partis ou qu’ils n’en partagent pas les positions sociétales. Ce blocage a pour résultat non seulement un abandon de toute volonté d’agir, mais aussi le rejet d’une politique écologique où les réformes envisagées par ces partis se font souvent au détriment des conditions de vie des plus modestes en France. Il faut pourtant de toute urgence que l’écologie politique puisse redevenir la préoccupation et l’affaire de tous.

L’état de notre pays a toujours été le premier souci de la Famille de France. Les différents chefs de la Maison de France qui m’ont précédé ont toujours alerté les Français quand des dangers menaçaient notre pays. Or l’un des risques sérieux qui se présentent à lui de nos jours est celui de la santé de son environnement. C’est pourquoi j’ai voulu présider en mars dernier un forum sur ce sujet à Bordeaux. Il a donné lieu à des échanges d’autant plus fructueux qu’ils étaient libres de toute inféodation à des partis ou des chapelles idéologiques. À l’issue de cette réunion, j’ai proposé que soit rédigé en synthèse un « Manifeste d’écologie politique » sur ce sujet, à partir de nos réflexions communes.

C’est ce Manifeste que je présente ici, et sur lequel il nous reste maintenant à nous appuyer pour proposer des actions qui permettent aux Français de se réapproprier la protection de leur environnement.


Le dérèglement climatique et la pollution mondiale bouleversent toute la vie de notre pays. Mais nos partis politiques semblent incapables de répondre aux crises écologiques, et beaucoup de Français s’en détournent car ils ne s’y reconnaissent pas. Définir une écologie politique devient indispensable.

Le dérèglement climatique que prévoyait le GIEC, avec toutes ses conséquences sur la pollution du monde et le destin de l’humanité, n’est plus une hypothèse : il est devenu réalité. Conscient de ce fait, les citoyens de notre pays – comme de presque tous les autres – qui sont dans leur très grande majorité convaincus des dégâts fait sur l’environnement, se montrent prêts à agir, et ils ont raison : il est devenu urgent de mettre en œuvre des politiques de préservation de l’environnement. Mais ils sont empêchés dans leurs actions par la faiblesse, l’inanité ou l’inadéquation de celles qui leur sont proposées. Pourquoi une telle césure entre la réalité qui exige d’urgence des réactions appropriées et concrètes, et l’immobilisme des gouvernements et des partis écologistes, sans parler des propositions extrêmes de certains mouvements ?

C’est pour donner des éléments de réponse à cette question que ce manifeste a été élaboré.

Quelle écologie ?

La recherche scientifique (donc l’écologie-science) a pour vocation de décrire, comprendre, expliquer et finalement prévoir (par des modèles). C’est ce que fait le GIEC. L’action sur le milieu ne fait pas partie de ses objectifs. Il est évident que l’on ne peut appliquer les règles d’une recherche scientifique aux actions et activités de l’humanité. Dans la mesure où l’homme agit consciemment sur son environnement, cette action écologique a une dimension politique essentielle, propre à l’humanité, et doit se soumettre à une série de principes exprimant le souci de la personne humaine. C’est ce point primordial qui avait été rappelé lors de la première conférence des Nations-Unies sur l’Environnement à Stockholm en 1972. Quoiqu’un peu oublié des écologistes, ce sommet avait établi les principes fondamentaux régissant les interactions entre l’homme et l’environnement. Il les spécifie dans son préambule :

« L’humain est à la fois créature et créateur de son environnement, qui assure sa subsistance physique et lui offre la possibilité d’un développement intellectuel, moral, social et spirituel. (…) Les deux éléments de son environnement, l’élément naturel et celui qu’il a lui-même créé, sont indispensables à son bien-être et à la pleine jouissance de ses droits fondamentaux, y compris le droit à la vie même ».

Cette déclaration de principes fut reprise et complétée par l’Encyclique Laudato Si’, autre document fondateur, publié en 2015 par le pape François, qui replace l’écologie politique dans une vision sociale :

« Mais aujourd’hui nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu’une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres ».

Notre écologie politique

Car les trois volets, « environnemental », « social », « économique », sont indissociables. Dans cette perspective, le changement de paradigme économique devient non seulement une évidence, mais aussi une nécessité « écologique ». Il ne faut pas se cacher que le souci de l’environnement conduit nécessairement vers la remise en cause du fonctionnement actuel de notre société et de son économie. La protection de l’environnement imposera à terme de passer d’une économie dont les ressorts sont la croissance effrénée de la production et l’accumulation, à une économie dont la finalité deviendrait le « plein développement des hommes » (François Perroux) par la satisfaction de leurs besoins fondamentaux dans le respect de leur environnement : non plus produire plus pour accroître la productivité, mais produire mieux pour satisfaire les besoins essentiels de la personne (santé, éducation, culture, logement, conditions de travail, protection sociale, environnement…) dans des conditions de travail dignes et valorisantes; non plus une finance orientée vers la rente, mais vers l’investissement ; non plus des entreprises qui soumettent les salariés, mais des entreprises qui associent les travailleurs à leurs orientations stratégiques dans le cadre d’une participation bien comprise et généralisée ; non plus un Etat au service d’une oligarchie, mais un Etat garant de l’intérêt général dans le souci du bien commun. Mais ce passage va prendre du temps, alors que nous nous trouvons dans une situation d’urgence écologique, et il faut commencer par se soucier en priorité de tout ce qui peut détruire notre environnement, et appliquer les moyens de l’éviter.

Or l’action politique sur l’environnement est aux mains de deux groupes :

  • les partis politiques de gauche et de droite, qui soutiennent le productivisme prédateur ultralibéral, héritier de ce capitalisme du XXe siècle qui a de l’économie « une vision limitée aux seuls domaines de la production et de l’échange lui |interdisant] de situer les événements dans leur cohérence globale » (René Passet). Ils n’ont aucune intention de changer la société, et toutes les propositions écologiques mettant en cause le productivisme sont immédiatement rejetées.
  • ceux des partis écologistes qui ont divinisé un écosystème-Gaïa « souffrant des interventions de l’homme », qui ont évolué vers une mystique naturaliste où il faut conserver l’écosystème dans un état « sauvage » fantasmé, et qui intègrent dans le combat écologique toutes les dérives sociétales actuelles : antispécisme, wokisme, véganisme, déconstruction du genre et autres folies. Cette dérive les pousse à élaborer des réformes absurdes, sans effet sur l’environnement, et leur font développer des formes violentes et inacceptables de militantisme.

Aucun de ces deux groupes ne propose de politique écologique réelle, ce qui veut dire que c’est aux citoyens de s’organiser pour protéger l’environnement.

Ecosystème et environnement

Mais pour cela, et puisque le terme « écologie » est sorti des laboratoires pour envahir le monde politique, il nous faut définir notre écologie dans une acception politique. Elle se décline sur deux niveaux :

  • une Écologie politique, qui s’appuie sur un corpus de textes et de définitions, qui précise nos buts et nous permet de savoir précisément ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire pour agir sur l’environnement. Il est clair aussi que l’écologie politique doit placer l’humanité au cœur de ses préoccupations et lui donner la priorité sur toute autre considération.
  • une politique écologique, qui est l’ensemble des actions et des moyens mis en œuvre pour appliquer notre Écologie politique. En plus d’utiliser les mécanismes naturels de l’écologie, elle s’appuiera d’un côté sur les principes définis par notre écologie politique, de l’autre sur les moyens et méthodes compatibles avec l’entretien et la sauvegarde de notre environnement, en se refusant à toute posture dogmatique ou technocratique.

Comment agir ?

Cette écologie doit s’appuyer sur des définitions précises de ce que sont l’écosystème et l’environnement, faute de quoi aucune action sérieuse ne pourra aboutir. Nous proposons les définitions suivantes :

L’écosystème est un système autoorganisé intégrant sur une base biogéochimique les vies et les interactions des innombrables êtres vivants qui en occupent l’espace. Il ne s’ agit pas d’un « être vivant et souffrant des attaques de l’homme », comme le prétendent les écologistes, ni d’une corne d’abondance où puiser jusqu’à complète destruction, comme l’imagine le système économique ultralibéral. Étant la somme des organismes vivants sur un lieu donné, il change constamment du fait des naissances et des morts de ces êtres vivants. Il est à la fois « immortel » et en évolution permanente en fonction également de l’apparition, de la domination, de la disparition d’espèces végétales ou animales, et des conditions géochimiques du moment. Il englobe dans un espace donné tous les êtres vivants, et donc évidemment l’homme, qui en est un des éléments actifs les plus importants, puisqu’il a la capacité de transformer profondément le milieu dans toutes ses composantes (biologiques, physiques, géochimiques). N’étant pas un être vivant autonome, l’écosystème n’a évidemment ni conscience, ni capacité cognitives, ni capacités de souffrance, ni souci des êtres (en nombre et en qualité) qui le constituent.

L’environnement est un écosystème dont l’évolution n’est plus laissée au hasard de seuls processus autoorganisés mais est orientée par l’homme depuis que celui-ci est sur terre pour qu’il reste adapté aux besoins de l’humanité tout en conservant les caractéristiques écologique générales d’un écosystème dans lesquelles les espèces qui cohabitent avec l’homme puissent se développer. L’environnement est donc tout à la fois dépendant de l’écosystème, ce qui fait qu’il subit comme lui les effets du changement climatique et de l’humanité, qui peut soit le détruire comme le fait l’écologie prédatrice et disparaître avec lui soit l’abandonner à lui même, comme le veut l’écologie naturaliste et, là aussi, disparaître soit l’entretenir, et bénéficier de sa production. Puisque l’homme oriente son évolution, l’environnement ainsi transformé, dont la production naturelle est adaptée pour combler les besoins de l’espèce humaine (remplacement de certaines espèces sauvages par des espèces domestiquées céréales, animaux domestiques, arbres, etc.), devient un patrimoine commun à l’humanité qui se doit de l’entretenir et le protéger pour pouvoir profiter de sa production, ceci quelle que soit la forme sous laquelle il est géré privé, public, collectif.

Notre Écologie politique se fonde sur le préambule de la déclaration de Stockholm et sur les définitions et textes que nous donnons dans ce manifeste. Elle reste bien sûr à préciser dans ses buts, par un travail de réflexion, d ’ d’études de textes et de discussions. Ce n’est qu’ensuite que pourra s’édifier une politique écologique.

En ce qui concerne cette dernière, signalons déjà que toute action environnementale (et non pas « écologique », ce qui n’a pas de sens) devra se réaliser hors de la sphère des idéologies et des partis, même écologistes. Les plus importants de ces derniers sont empêtrés dans « une philosophie devenue folle » (Jean François Braunstein), et exigent du citoyen soucieux d’environnement qu’il souscrive à des positions sociétales aberrantes. Quant aux autres partis, ils ne s’en soucient pas, ou très peu, ou très mal, puisqu’ils prennent bien garde à ne pas toucher au système productiviste. On est confronté là à un paradoxe majeur les initiatives citoyennes sont indispensables, mais elles ont très peu de chances d’aboutir à l’heure actuelle, par manque d’information, de pouvoir sur les leviers de la société, etc. et les initiatives des partis au pouvoir sont soit inexistantes, soit sciemment inefficaces, et aboutissent en général à un rejet par la population, pourtant sensible aux questions d’environnement et prête à agir si c’est dans le (et avec du) bon sens. Il nous faut donc trouver la forme dans laquelle ces initiatives citoyennes pourront être à la fois utiles et efficaces c’est un des objectifs du travail actuel. Il faudra faire vite sans cesser de faire bien, car le temps nous est maintenant compté.

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