La 28ème conférence des parties (COP 28) de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques s’est ouverte à Dubaï le 30 novembre pour se clôturer le 12 décembre. Au-delà de la curiosité suscitée par la tenue de cette conférence dans ce haut-lieu de la modernité, on peut craindre néanmoins, au regard de l’état actuel de la situation internationale et des conflits en cours, que cet événement ne se déroule dans la plus grande indifférence, avec une plus grande probabilité d’échec que de succès. Pourtant, pendant ce temps, le dérèglement climatique prédit par le GIEC est devenu sensible dans la vie de tous, l’urgence d’agir se fait évidente et des cris d’alarme retentissent à tous les niveaux.
Au niveau international, l’inquiétude sur l’évolution du climat est extrême, et Antonio Guterrez, le secrétaire général de l’ONU a eu des mots très forts, rarement exprimés à ce niveau de responsabilités. De son côté le pape François, après son encyclique Lautado Si, nous dit de nouveau dans Laudato Deum à quel point il y a urgence.
Au niveau individuel, on retrouve cette inquiétude dans les regroupements, associations, réseaux de citoyens décidés à faire bouger, sinon les choses, au moins quelque chose, par leurs actions. Par ailleurs la plupart des instruments nécessaires à une politique environnementale à court et à long terme existent et peuvent être appliqués rapidement. Tout est prêt pour des actions efficaces et immédiates.
C’est au niveau intermédiaire, national, que tout va mal, et ce dans presque tous les pays, à commencer par les plus importants (USA, Chine, Inde, UE… France). La tentation d’une « pause environnementale » qui se fait jour dans l’UE montre l’absence de politique raisonnée et même d’intérêt en matière de protection de l’environnement dans tous les domaines (climat, biodiversité, pollution). Ce niveau de pouvoir est celui des décisions politiques, nationales et internationales ; mais il semble incapable de les prendre.
La récente présentation de la « planification écologique » en France est une démonstration claire de cette incapacité : ce qui nous a été présenté n’est qu’un catalogue de mesures ponctuelles (souvent justes et nécessaires), sans lien entre elles, ne montrant aucune logique, aucun cheminement, aucun projet global conjuguant les dimensions environnementale, sociale, macro-économique et géopolitique ; l’Etat se contente de diluer les pouvoirs de décision en multipliant les structures, et se garde bien d’agir, sans doute pour éviter les affrontements avec des lobbies, ou des troubles sociaux. Nous savons tous que le productivisme ultralibéral et son mépris de l’homme est une des principales causes de pollution, or aucune réflexion n’est développée sur ce point. Quant au Parlement et aux partis (écologistes inclus), ils ne mesurent leurs actions possibles en écologie qu’à l’aune d’intérêts électoraux. La planification écologique devrait résulter d’une réflexion non partisane menée par le Haut-Commissariat au plan institué par le Président à l’issue de la crise sanitaire et par le Conseil national de la refondation mis en place à peu près au même moment. Lesquels, pour le moment, restent muets.
Il y a urgence, car il faudra transformer en profondeur un système économique productiviste ultralibéral incompatible avec la transition écologique. Mais cela ne veut pas dire qu’il faille faire n’importe quoi. Un plan d’action est indispensable pour agir de façon coordonnée sur les trois domaines, environnemental, social, économique, qui ont un impact sur l’environnement et qui sont indissociables. Dans cette perspective, le changement de paradigme économique devient une nécessité « écologique ». La protection de l’environnement imposera à terme de passer d’une économie dont les ressorts sont la croissance effrénée de la production et de l’accumulation, à une économie dont la finalité deviendrait le « plein développement des hommes » par la satisfaction de leurs besoins fondamentaux dans le respect de leur environnement : non plus produire plus pour accroître la productivité, mais produire mieux pour satisfaire les besoins essentiels de la personne (santé, éducation, culture, logement, conditions de travail, protection sociale, environnement…) dans des conditions de travail dignes et valorisantes ; non plus une finance orientée vers la rente, mais vers l’investissement ; non plus des entreprises qui soumettent les salariés, mais des entreprises qui associent les travailleurs à leurs orientations stratégiques dans le cadre d’une participation bien comprise et généralisée ; non plus un Etat au service d’une oligarchie, mais un Etat garant de l’intérêt général dans le souci du bien commun.
Ce changement profond mais indispensable de nos sociétés va prendre du temps, alors que nous nous trouvons dans une situation d’urgence écologique. Nous devons nous soucier aussi, et en priorité, de tout ce qui peut détruire notre environnement, et appliquer dans l’urgence les moyens de l’éviter. Pour cela, et puisque le terme « écologie » est sorti des laboratoires pour envahir le monde politique, il nous faut définir notre écologie dans une acception politique. Elle se décline sur deux niveaux.
Une Écologie politique, qui s’appuie sur un corpus de textes et de définitions, qui précise nos buts et nous permet de savoir précisément ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire pour agir sur l’environnement. L’écologie politique doit placer l’humanité au cœur de ses préoccupations et lui donner la priorité sur toute autre considération. Ce n’est qu’à partir de ces définitions qu’une planification réelle pourra se construire, qu’une politique écologique résoluepourra se développer, en appliquant des moyens et méthodes compatibles avec l’entretien et la sauvegarde de notre environnement, avec la vie quotidienne des Français, et en se refusant à toute posture partisane.
C’est pourquoi il devient urgent que les défenseurs de l’environnement s’organisent, se rassemblent et puissent peser sur les décisions de l’Etat. Mais cela demande de s’appuyer d’abord sur ces bases écologiques objectives et sur des définitions consensuelles. C’est dans ce but que j’ai écrit cet été un « Manifeste pour une écologie politique » que l’on pourra trouver sur mon blog et dans un certain nombre de médias qui l’ont repris. Sur ces bases, je suis prêt à soutenir de tout mon poids toute initiative qui ira dans ce sens, et à appuyer les bonnes volontés qui accepteraient de se fédérer à l’initiative de personnalités d’où qu’elles viennent, pour fonder une « Ecologie politique » qui puisse faire comprendre aux partis et au gouvernement l’importance de l’urgence climatique et d’une véritable réflexion pour une définition des origines des problèmes environnementaux, des buts à atteindre, et des moyens (planifiés) à mettre en œuvre.